Un nouveau chapitre s’est peut-être ouvert dans l’histoire d’Alexa avec l’annonce faite hier par Bee, une jeune startup californienne fondée en 2022, de son rachat par Amazon. Si le montant de l’opération n’a pas été communiqué, les intentions du géant de Seattle, elles, ne font guère de doute : Alexa+ se cherche un nouveau corps. Et Bee pourrait bien en être l’écrin… ou la ruche.
Amazon et Bee : naissance d’une IA qui écoute vraiment ?
Bee n’est pas seulement une énième startup d’intelligence artificielle de la Silicon Valley. Elle s’est faite remarquer pour sa vision originale d’une IA non intrusive qui se voudrait presque invisible. Portée par une équipe issue d’anciens de chez Squad, X (ex-Twitter), Musical.ly ou TikTok, elle est enracinée dans la culture mobile, sociale et comportementale. Et dès ses débuts, elle a pris un chemin à contre-courant des grandes tendances du wearable : loin des montres bardées d’écrans et de capteurs, elle a conçu un dispositif minimaliste à porter au poignet. Un petit galet noir, sans écran et sans bouton, qui se distingue par sa présence discrète et presque invisible… bien qu’il soit toujours à l’écoute.
À l’intérieur : un micro, des capteurs d’activité, une puce pour l’IA. Et un logiciel maison pour analyser l’humeur, le ton et les besoins implicites de son porteur. Car Bee Pioneer ne mesure pas seulement les pas ou la fréquence cardiaque, il écoute et analyse tout, les paroles comme les silences. Il détecte les tensions dans la voix, décrypte les peines et les joies, et tente même de créer un lien affectif, pour ne pas dire émotionnel, avec son utilisateur. Une approche radicale, fondée sur la voix, l’ambiance et l’intimité, qui évoque davantage un compagnon qu’un assistant vocal… Serait-ce donc l’assistant IA ultime ?
Un pas stratégique pour l’avenir d’Alexa+ ?
Ce rachat n’arrive pas par hasard. Depuis de longs mois, Amazon prépare la métamorphose d’Alexa, longtemps critiquée pour sa stagnation technologique et son manque d’initiative. Ses équipes travaillent d’arrache-pied sur Alexa+, une version plus avancée et plus fluide de l’emblématique assistante vocale, qui sera désormais propulsée par l’IA générative et agentique. Et dans cette quête, la dimension « embodied AI » — une intelligence qui nous suit, nous comprend et nous accompagne — pourrait bien devenir centrale.
Avec Bee, Amazon met en effet la main sur une technologie capable de rendre Alexa plus portable, plus contextuelle et plus proactive. Son produit pourrait devenir un vecteur d’Alexa+ au quotidien, loin de l’enceinte posée dans la cuisine. Une sorte de relais émotionnel et sensoriel, capable d’adapter l’environnement domestique en fonction de l’humeur perçue : tamiser la lumière quand la voix tremble, désactiver les notifications quand le stress monte, lancer une playlist apaisante à l’instant juste.
Amazon n’en est pas à son premier essai dans l’univers des wearables. Si le bracelet Halo, lancé en 2020, avait connu un accueil mitigé avant d’être abandonné trois ans plus tard, le géant du e-commerce a rencontré plus de succès avec ses écouteurs Echo Buds ou, plus récemment, avec ses lunettes Echo Frames et sa bague connectée Echo Loop. Le géant s’est également offert des entreprises clés de la maison connectée : Ring, Blink, ou encore Eero. Après avoir tenté le rachat d’iRobot, finalement avorté à cause des régulateurs européens, Bee pourrait représenter une nouvelle approche : plus sensible, plus personnelle, moins frontale. La startup pourrait aussi aider l’entreprise à enfin signer un vrai succès dans les wearables, les objets connectés à porter.
Notre poignet pourrait alors devenir l’antenne sensorielle d’une assistante qui devine plus qu’elle n’obéit. Avec Bee, Amazon pourrait faire d’Alexa+ une IA qui réponde à nos besoins sans que nous n’ayons besoin de lui parler. Si la promesse technologique tient, alors l’intelligence ambiante chère à Jeff Bezos pourrait enfin prendre chair. Ou plutôt, se faire oublier dans un bijou léger comme une voix.