Alexa et Gemini face à l’invisible : la maladie dans la voix

Imaginez un souffle sur la langue, un mot articulé, un accent qui tremble à peine et qui pourtant en dit long sur l’état profond de votre santé. Que se passerait‑il si nos assistants IA — Alexa+, Gemini, Siri et leurs semblables — pouvaient, à l’aube d’un simple « Bonjour », déceler les premiers frémissements d’une maladie ? C’est le rêve, et peut-être bientôt le possible, qu’ouvre une étude récemment publiée dans la célèbre revue scientifique Nature.

Alexa, Gemini et la voix au service de la santé

Si la détection des troubles neurologiques repose traditionnellement sur des examens cliniques, de l’imagerie ou des évaluations cognitives, il s’avère que dans plus de 89% des cas de Parkinson, la voix est aussi altérée. Elle devient généralement plus monotone, souvent plus rauque, parfois hésitante. Face à ce constat, des chercheurs de l’Université de Rochester, située dans l’état de New-York aux Etats-Unis, ont donc envisagé que l’intelligence artificielle puisse servir à dépister la maladie, et les résultats sont plutôt probants.

Dans une étude de Hoque et al. publiée dans la revue npj Parkinson’s Disease, ces derniers proposent en effet un test de dépistage en ligne qui demande simplement aux utilisateurs de réciter deux pangrammes : « Le renard brun rapide saute par-dessus le chien paresseux. Le chien se réveille et suit le renard dans la forêt, mais encore une fois, le renard brun rapide saute par-dessus le chien paresseux. » L’IA compare ensuite ces deux échantillons vocaux à de puissants modèles vocaux formés sur des millions d’enregristrements et peut, en quelques secondes seulement, détecter de possibles symptômes parkinsoniens avec une fiabilité atteignant 85.7%.

Mais quel rapport avec Alexa ou Gemini, me direz-vous ? Eh bien, grâce aux appareils Amazon Echo et Google Nest, ou à tout autre assistant vocal doté d’un microphone, il suffirait de prononcer ces quelques phrases pour qu’un de leurs algorithmes ne s’active en arrière‑plan. Une possibilité qui ouvre un nouveau champ : celui de la télésurveillance passive de la santé.

Vers un futur médical vocal ?

Les promesses d’une telle méthode sont grandes car elle permettrait un diagnostic précoce du fait de son accessibilité et de son coût réduit. Dans des régions reculées ou sous‑équipées, une simple enceinte connectée installée à domicile suffirait à inviter une personne à consulter si un signal alarmant est détecté. Il est ainsi aisé d’imaginer que Gemini ou Alexa puissent un jour devenir des auxiliaires médicaux capables de nous alerter en cas de changement inquiétant de notre voix — un souffle altéré, un phrasé plus monocorde — et de nous inviter à faire un bilan clinique. On peut aussi imaginer des applications de suivi longitudinal où nos enregistrements vocaux, captés au quotidien, pourraient constituer un journal de santé vocal.

Toutefois, ce futur n’est tout à fait pour demain puisqu’aucune technologie vocale n’est encore approuvée par les autorités de santé. En effet, la qualité de l’enregistrement, le bruit ambiant, une angine saisonnière, ou même un simple accent, pourraient influer sur l’analyse et produire des faux positifs. Dans l’attente de protocoles de normalisation rigoureux, le modèle restera donc pour l’instant en laboratoire. Il faudra aussi garantir la confidentialité des données, le consentement éclairé de l’utilisateur, mais surtout éviter toute dérive commerciale ou publicitaire… En mars 2017, Amazon avait d’ailleurs déposé un brevet dans lequel l’entreprise évoquait la possibilité de proposer des antitussifs ou des médicaments contre la grippe…

Quoi qu’il en soit, l’étude ouvre la porte à des assistants vocaux capables de nous « écouter autrement » et démontre que le murmure de la voix humaine pourrait bien devenir un capteur biométrique puissant. D’autres maladies semblent également laisser une trace dans la voix comme, par exemple, le diabète de type 2 qui a déjà été identifié par une IA avec une précision de 86% à 89% selon le sexe. Des recherches explorent aussi des détections possibles pour des troubles respiratoires comme la pneumonie, certains cancers, ou encore la maladie d’Alzheimer.

En plus d’être les cerveaux de nos maisons connectées devenues intelligentes, Alexa+ ou Gemini pourraient donc bien devenir des sentinelles silencieuses de notre santé dans les prochaines annés. Reste désormais aux scientifiques et aux régulateurs d’écrire les règles de ce dialogue entre la voix et la médecine.

Fasciné par Alexa depuis le jour où je l'ai reçue en bêta test, je me suis peu à peu passionné pour le sujet, avant de me décider à aller plus loin en créant un site avec Jean-Christophe. Une activité qui me permet d'étancher ma soif de nouvelles technologies et de partager mes découvertes sur la plus sympathique des communautés : Les Alexiens.